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La légende du Graal

Sol
   Posté le 07-12-2006 à 17:56:55   

Le symbole de la religion chrétienne, c'est la Croix. Mais le symbole de l'ésotérisme chrétien, c'est le Graal. Le Graal, légende celte "convertie" en légende chrétienne, symbolise en quelque sorte le passage d'une civilisation à une autre. Il est au centre de la plupart des légendes du Moyen-Age européen, comme en témoigne le nombre spectaculaire d'oeuvres littéraires, souvent poétiques, écrites à son sujet.

La Légende

On peut essayer de reconstituer une sorte de synthèse des différents récits qui nous sont parvenus, dont nous parlerons dans la deuxième partie, et qui se complètent les uns les autres, permettant de retracer la ligne générale de la légende.

Au tout début, il y aurait une émeraude sur le front de Lucifer, le chef des anges déchus. Cette émeraude serait tombée de son front lors de sa chute, et recueillie par les anges qui la taillèrent en graal , c'est à dire en vase (le mot graal serait issu du latin grasale qui signifie vase ). Ce vase aurait été donné à Adam, qui le perdit à son tour lorsqu'il faut chassé du Paradis terrestre. Il aurait plus tard été retrouvé par Seth (troisième fils d'Adam et Eve), celui-ci ayant obtenu de revenir quarante jours dans le Paradis.

Ce n'est que beaucoup plus tard qu'on retrouve le Saint Graal, dans le repas de la Cène, c'est ce vase qui aurait contenu le vin (dont Jésus a dit qu'il était son sang). Et c'est dans ce même vase que Joseph d'Arimathie, assistant à la crucifixion de Jésus, aurait recueilli le sang et l'eau qui s'écoulaient du flanc du Christ, après que celui-ci ait été transpercé par la lance du centurion, comme nous le relate l'Evangile de Jean:

Evangile de Jean, XIX, 33-34 a écrit :

S'étant approchés de Jésus, et le voyant déjà mort, ils ne lui rompirent pas les jambes; mais un des soldats lui perça le côté avec une lance, et aussitôt il sortit du sang et de l'eau.

Ensuite, Joseph d'Arimathie, accompagné de Nicodème, aurait emmené le Graal en Grande Bretagne, où il aurait été conservé dans un lieu tenu secret.


La Cène, par Léonard de Vinci.

Plusieurs siècles après, le Roi Arthur fait bâtir une table ronde sur les plans de Merlin, et demande à ses chevaliers de partir en quête du Saint Graal. Si l'un d'eux réussit, alors le vase sera placé au centre de la Table...

L'histoire de l'histoire...

La première trace écrite que nous ayons de la légende du Graal se trouve dans le roman Perceval ou le conte du Graal , écrit par Chrétien de Troyes, l'un des premiers et des plus grands romanciers français du Moyen-Age, en 1180. Le jeune héros Perceval, fait chevalier depuis peu de temps, mais qui a déjà eu l'occasion de prouver tout son courage à travers divers combats, se retrouve un jour invité à la table d'un certain Roi Pêcheur. Là, il voit passer devant lui divers domestiques, notamment un valet tenant une lance ensanglantée, et surtout une très belle jeune femme portant un Graal (un vase) magnifique, orné de pierres précieuses. Mais Perceval, à qui l'on a enseigné qu'il ne fallait jamais poser trop de questions, ne demande aucune explication sur cette étrange cérémonie. Et malheureusement, Chrétien de Troyes étant décédé pendant l'écriture du roman, nous ne saurons jamais le fin mot de cette histoire !

Chrétien de Troyes, traduit en français moderne par J.P. Foucher et A.Ortais a écrit :

Une demoiselle très belle, et élancée et bien parée qui avec les valets venait, tenait un graal entre ses mains. Quand en la salle elle fut entrée avec le graal qu'elle tenait, une si grande lumière en vint que les chandelles en perdirent leur clarté comme les étoiles quand se lève soleil ou lune.


Plusieurs auteurs anonymes écriront diverses "continuations" au roman de Chrétien de Troyes, également d'une très grande qualité littéraire. On aurait certainement reçu une mine d'informations sur les épopées des chevaliers de la Table de ronde, si tous les ouvrages de Robert de Boron ( Joseph d'Arimathie , Merlin , Perceval , écrits entre 1190 et 1210) nous étaient parvenus dans leur intégralité. Il convient également de citer Geoffroy de Monmouth et Robert Wayce, qui sont les premiers à évoquer les chevaliers de la Table ronde (respectivement en 1135 et en 1155), bien qu'ils ne parlent pas encore du Saint Graal. Il ne faut non plus oublier Wolfram von Eschenbach, dont le Parzival est l'une des plus grandes oeuvres littéraires de l'Allemagne médiévale. Dans l'ensemble, tous ces récits ont été écrits sur une période relativement courte (moins d'un siècle), et par des auteurs de nationalités différentes, preuve de la fantastique renommée de cette histoire au milieu du Moyen-Age, et dans toute l'Europe.

Mais maintenant nous pouvons nous demander : comment est née l'histoire ? Car bien évidemment, tous les auteurs cités ci-dessus n'ont rien inventé, ils n'ont fait "que" coucher par écrit de vieilles légendes. Leur mérite est grand, mais il ne nous informe pas sur l'origine réelle du mythe. En fait, il est fort probable que la légende remonte à des époques très anciennes, plusieurs siècles avant Jésus Christ. Ce fut avant tout un mythe celte, transmis par voie orale de génération en génération. Avec la christianisation des pays celtiques, la légende a pris une forme différente, mais le noyau est resté le même : il s'agit toujours d'un mystérieux vase, caché, secret, contenant une mystérieuse boisson aux pouvoirs magiques.

Le Roi Arthur a certainement existé, il s'agirait d'Artus, roi des Britons au sud de l'Ecosse. Il est également fort probable que Merlin l'Enchanteur fût un personnage réel, un grand magicien celte des premiers siècles, un grand druide conseiller du roi Artus.


Enluminure du XV° siècle, représentant probablement les chevaliers de la Table Ronde.

Quelques essais d'interprétation

Bien évidemment, comme toute légende à vocation ésotérique, le but n'est pas de raconter littéralement une histoire, qui est d'ailleurs peut-être en partie très réelle, mais d'essayer d'en comprendre les symboles. Je n'ai pas la prétention d'avoir compris toute la légende, mais je voudrais essayer de livrer quelques pistes qui m'ont paru intéressantes, à la lecture de certains ouvrages.

Balayons tout de suite toutes les interprétations très modernes, que l'on retrouve dans les best-sellers très à la mode en ce moment, et qui illustrent bien la mentalité actuelle : au lieu d'interpréter les symboles "vers le haut", c'est à dire d'en chercher la signification spirituelle, ils les interprètent "vers le bas", c'est à dire qu'ils les ramenent à des réalités singulièrement grossières (généalogie de Jésus, héritage matériel, etc).

Nous pouvons tout d'abord remarquer que l'idée d'un trésor perdu, fabuleux, se retrouve dans à peu près toutes les grandes traditions, comme par exemple la prononciation du Nom de Dieu dans le Judaïsme. Et bien souvent, ce trésor prend la forme d'un breuvage d'immortalité, tout comme le contenu du Graal : le Soma chez les Hindous, le Haoma chez les Perses, et bien sûr l'elixir de longue vie tellement recherché par les alchimistes.

Ce breuvage est presque toujours contenu dans une coupe ou un vase, symbole qui par exellence, de par sa forme creuse, représente le principe féminin. On remarque d'ailleurs que dans le conte du Graal de Chrétien de Troyes, la présentation du vase suit celle de la lance, et la lance symbolise elle le principe masculin. On peut encore retrouver cette pôlarité, cet équilibre, dans ce qui coule du flanc de Jésus : le sang (masculin), et l'eau (féminin).

Malheureusement, ce grand trésor est perdu. Que signifie cette perte ? Il symbolise la perte d'un enseignement, la perte d'une connaissance de très grande valeur, et même, on peut le dire, la perte d'une tradition toute entière. Désormais, cette connaissance n'est plus accessible que pour les chercheurs assidus qui en sont capables, après de longues épreuves. Signalons au passage une deuxième origine possible au mot Graal : il pourrait provenir du latin gradale qui signifie livre , le livre étant le principal symbole de la connaissance.

la Table ronde est elle aussi tout un symbole, puisque autour d'elles s'asseoient les douze chevaliers (selon les récits ils ne sont pas toujours au nombre de douze) et le Roi, un peu comme au repas de la Cène se sont assis les douze disciples et Jésus. Nous connaissons la valeur symbolique du chiffre douze. Mais on peut supposer que cette table, c'est avant tout un centre spirituel. Hélas, son centre attend de recevoir le Graal, qui pour l'heure se retrouve en des terres lointaines. Tout ceci illustre les civilisations qui ont conservé leurs temples et leur église, mais qui ont perdu leur âme et leur raison d'être. Extérieurement, elles ont gardé tout leur éclat. Mais à l'intérieur elles sont désormais toutes vides. Pourtant cette âme n'est pas perdue pour tout le monde. Elle a simplement été dérobée... ou plutôt sauvée. Sauvée par quelques sages qui, sachant que la civilisation allait perdre sa tradition et son esprit, ont préféré conservé le noyau de la tradition à l'abri, dans un lieu retiré, symboliquement parlant. Symboliquement... mais aussi peut-être littéralement. Qui sait, il existe peut-être un endroit sur Terre qui joue le rôle de centre spirituel. Cet endroit ne serait connu que des quelques grands initiés qui vivent encore sur notre planète. Nous pourrions ouvrir le débat, mais tout ceci serait hors de notre sujet initial.

A bientôt,
Sol

Message édité le 07-12-2006 à 18:05:13 par Sol