Sujet :

Masanobu Fukuoka - Agriculture sauvage

Alkaest
   Posté le 17-04-2011 ŕ 17:14:01   

Bonjour tout le monde !

Avez vous entendu parler d'un certain Masanobu Fukuoka ? Ou bien peut-être avez vous entendu parler d'agriculture sauvage, ou d'agriculture naturelle ? Et la permaculture, ça, vous devez connaître, pas vrai ?

La permaculture a été mise en place par deux personnes qui ont été au contact de ce fameux Masanobu Fukuoka. C'est de ce dernier qu'ils tenaient tout ce qui leur a servi à créer leur méthode. Mais savez vous que la permaculture est, pour ainsi dire, un compromis ? En réalité, il s'agit d'une demi-mesure vers la méthode de Mr Fukuoka, qui va bien plus loin.

Mr Masanobu Fukuoka est japonais. Vous en apprendrez facilement plus sur lui si vous lisez quelques lignes à son sujet sur wikipédia:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Masanobu_Fukuoka

Cependant, je vais vous résumer quelques grandes lignes de sa vie.
Il naît en 1913, et suit des études pour devenir microbiologiste. Il contrôle les céréales, légumes et autres plants transportés. Après avoir frôlé la mort, il se met à se questionner sur le sens de la vie, et cela le ronge un peu plus chaque jour, de ne pas trouver de réponse. Tandis qu'il ère une nuit, épuisé par ces questionnements incessants, il s'effondre contre un arbre au pied duquel il somnolera jusqu'au lever du jour. Lorsque le soleil se lève, la brume s'évanouit, et il remarque un héron quittant les champs. C'est, pour lui, la révélation, la réponse à sa question. Il découvre ce qu'il appelle lui même la "Vraie Nature". Soudain remplit de joie, il quitte son travail, et voyage à travers le Japon. Il a l'absolue conviction que l'être humain ne sait rien, et ne peut pas comprendre la nature. Il est convaincu qu'elle n'a pas besoin de nous pour fonctionner, et qu'il faut donc cesser de vouloir la contrôler à tout prix. Il doit exister un moyen de promouvoir une agriculture dans laquelle on laisse faire la nature.

Après quelques temps, et constatant que ses diatribes au sujet de la Vraie Nature ne rencontrent que peu de succès, il décide de mettre en application ses propres préceptes, convaincu que c'est la meilleure manière de démontrer ce qu'il affirme. Son premier essai se fera chez son père, qui lui laisse un verger de mandariniers. Mr Fukuoka s'installe alors dans une hutte au milieu du verger, et ne fait rien. Les branches ne tardent pas à s'entremêler, et les insectes à saccager tout le verger. Il comprend alors que si on a interféré avec la nature, par exemple en taillant les arbres, on ne peut pas la laisser seule pour qu'elle redevienne sauvage du jour au lendemain. " Cela est de l'abandon, non de l'agriculture sauvage ". Son père, furieux du résultat, le réprimande, et lui dit qu'il doit se re-discipliner. Il lui pose un ultimatum: trouver un travail, ou aller à la guerre. Décidant qu'il était plus prudent d'éviter la guerre, il opta pour un travail. Il profita de ces années en tant que chef dans un laboratoire pour mener quelques recherches complémentaires.

Après la guerre, il démissionna, et se lança effectivement sans l'agriculture sauvage, où il affina au fil des ans sa méthode, qui ne cessa de prouver l'exactitude et la viabilité de sa démarche.


En quoi consiste l'agriculture sauvage ? Elle consiste à employer des concepts que, nous autres, connaissons souvent, au moins de nom, et à les appliquer aux cultures. Le Non-Agir (Wu Wei) du Taoïsme, le Renoncement du Bouddhisme, ou encore le Lâcher-Prise si cher aux mouvances New-Age et assimilées.
Il s'agit de ne pas cultiver la terre, de ne pas pratiquer le labour, de n'utiliser aucun produit chimique de quelque sorte qu'il soit, de ne pas employer d'engrais ou de compost préparés, même bio. Il est également question de ne pas planter, mais juste de semer à la volée, de sorte que les graines se déposent sur la terre, comme cela serait arrivé naturellement. Mr Fukuoka rend à la terre tout ce qu'il ne consomme pas. Par exemple, il récupère les grains du riz, mais repose sur la terre, sans la calibrer, ni la hacher, la paille de riz, ainsi que la balle du grain. Il n'arrache pas les mauvaises herbes, et va même jusqu'à en semer ! Il ne sépare pas les cultures artificiellement, ne plante pas en lignes droites ou en sillons.
Ses champs produisaient autant que ceux des agriculteurs traditionnels, ou de ceux qui employaient les produits issus de la pétrochimie.

Il aura réussi à prouver qu'on peut rendre un sol aride en sol fertile. En plantant certaines espèces, elles transforment le sol et permettent à une couverture verte naturelle de se reformer, maintenant l'eau dans ce sol, et le rendant de plus en plus fertile au fil du temps. Il mentionne notamment un cas où un sol stérile devient fertile sur 10cm de profondeur en 10 ans, soit une moyenne appréciable de 1cm par an. D'après lui, on peut reverdir le désert. Il le dit tout net: " Ce n'est pas parce que le désert manque d'eau qu'il n'y a pas de verdure, c'est parce qu'il n'y a plus de verdure qu'il manque d'eau ."
A force de laisser la nature suivre son cours, il a même finit par récolter un riz très rustique, capable de pousser n'importe où. Il recevra l'équivalent du prix nobel en Asie pour ce genre de trouvaille. Pour certains, cela semblera étrange d'apprendre que c'est précisément quand il affirmera vouloir envoyer de pleines cargaisons de ce riz dans les pays souffrant de dénutrition que l'armée japonaise passera par là, piétinera ses champs, détruira ses récoltes, et surtout ses réserves de ce si précieux grain.
Mr Fukuoka était lucide, il savait que sa vision du désert redevenant vert ne serait pas réalisée de son vivant.

Il le dit lui même: si l'effort physique est beaucoup moins important dans ce type d'agriculture, le processus est beaucoup plus éprouvant spirituellement, car il convient de grandir avec le jardin. Sa démarche se veut, à ce titre, clairement initiatique. Chaque année, au fur et à mesure que les plantes grandissent et s'épanouissent, l'agriculteur en fait de même. Tous ceux ayant suivi son cursus affirment qu'il est presque impossible d'aller aussi loin que lui dans cette démarche, notamment en raison de ce côté spirituel si prononcé, et indissociable de sa méthode. La permaculture se veut permettre justement d'appliquer le même genre de principe, dans une certaine mesure, sans avoir besoin d'évoluer de manière si symbiotique avec le jardin.

Mr Fukuoka affirmait cependant qu'il ne fallait admettre aucun compromis. Pour lui, il s'agissait d'une Voie pleine, et nécessaire, seule apte à rendre à notre humanité une nourriture saine et un avenir pérenne. Pour autant, il ne fallait pas pratiquer l'agriculture sauvage pour résoudre un problème. En effet, selon lui, il faut revenir en arrière, défaire ce qui a été fait, et si on décide de faire de l'agriculture sauvage "pour réparer" les dommages causés par notre approche, c'est qu'on en est encore à vouloir avancer. On cherche à réparer, et non à remplacer, à revenir en arrière. De la même manière, il affirme qu'il ne faut pas "vouloir revenir à la nature", si on veut effectivement parvenir à y revenir véritablement. On comprend que peu de paysans parviennent à saisir la méthode de Mr Fukuoka lorsqu'on lit ce genre de phrase. C'est un concept très taoïste, pour faire une chose, il faut commencer par cesser de vouloir la faire. Mon maître de forge disait à ce sujet: " C'est bien d'être un chercheur, car il en faut. Mais un jour, il faut accepter de cesser d'être un chercheur, afin de pouvoir devenir un trouveur ."

Sa méthode est si profondément liée à des notions comme l'éveil, le Non-Agir, le Ici et Maintenant, etc... qu'il convient effectivement de grandir en âme, de grandir en esprit, pour pouvoir faire grandir le jardin. En échange, pendant que le jardin grandit, il nous offre des aliments sains, pleins de vie, et nous devenons nous même plus vigoureux.

En fin de compte, nous pourrions dire que la méthode de Mr Fukuoka réhabilite l'homme au sein de la nature. En cessant de se confronter à elle, de se mettre en opposition, et de tenter de la contrôler, nous nous réintégrons en son sein. A ce stade, nous devenons nous même une part de cet éco-système, nous devenons comme chaque arbre, chaque fleur, chaque animal de ce jardin, et nous sommes en harmonie avec cette nature. Alors le jardin devient un temple dont chaque "noeud tellurique" est une de ces plantes, et au centre de ce temple, l'agriculteur est le grand-prêtre, qui bénéficie de cette incroyable convergence d'énergie.

Sa méthode est, à mon sens, à rapprocher du chamanisme primordial, en plus du Taoïsme ou du Bouddhisme.

Mais cette méthode ne plaira pas à tous les "Mages", plus souvent adeptes du contrôle et de l'imposition de la volonté, que du Non-Agir et du renoncement.

Sur le plan spirituel, philosophique, éthique, écologique, etc... j'ai simplement découvert un trésor.

Mr Fukuoka a écrit 3 livres.
  • La révolution d'un seul brin de paille
  • L'agriculture naturelle
  • La voie du retour à la nature

    Le premier, très philosophique, sert d'introduction là où le second est un petit peu plus technique, puisqu'il donne des conseils précis pour l'application de sa méthode, tout en gardant sa dimension spirituelle, philosophique, et un humour inimitable.

    Que vous soyez agriculteur, philosophe, ou simplement intéressé par la spiritualité, et une expression simple et directe de la sagesse, je vous recommande la lecture de ces ouvrages. Même si l'agriculture ne vous intéresse pas à priori, ses explications sur la nature, sur la nourriture, sur notre rapport au monde, sont de vraies perles.




    Mr Masanobu Fukuoka


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